L’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie a mis au jour de façon brutale la nécessité pour les spécialistes de ce pays de repenser en profondeur leurs méthodes d’enseignement et leurs pratiques scientifiques. Loin d’être nouvelle, notamment dans les débats sur le caractère colonial de l’URSS, la question centrale qui se pose est celle du décentrement des études russes, ainsi que la remise en question des études dites "post-soviétiques". De fait, la Russie occupe structurellement et institutionnellement une place prépondérante au regard des autres pays et régions qui ont été sous sa domination. Cette hiérarchie structurelle a pu influencer, consciemment ou non, les façons d’envisager les relations de pouvoir dans la région.

Trop souvent, nous constatons un manque de dialogue sur la Russie entre la recherche universitaire et les instances de décision politique et stratégique, au niveau français ou européen. La guerre en Ukraine n’a rien arrangé : la vitesse à laquelle évoluent les opérations militaires, de même que le rythme auquel se succèdent les « surprises stratégiques » impliquant la Russie ne laissent guère de place à l’instauration d’un dialogue de fond entre chercheurs et hauts-fonctionnaires souvent pressés par l’urgence de la prise de décision. Nous estimons pourtant que ce dialogue est primordial pour faire émerger des grilles de lecture autres que celles dictées par le temps médiatique ou celui des réseaux sociaux.

La complexité des crises et défis provoqués par les agissements du pouvoir russe à l’échelle globale rend nécessaire la mise en réseau des chercheuses et chercheurs français et internationaux intéressés par ces sujets. Cette perspective ambitieuse est d’autant plus souhaitable que le développement de nouvelles méthodes d’analyse de la Russie contemporaine repose en grande partie sur le partage d’informations : qu’il s’agisse de bases de données, d’outils de recherche ou de sources qualitatives, il est nécessaire d’adopter une approche participative et de s’intégrer dans des réseaux d’échange internationaux

Sur le long terme, la filière des études russes devra s'adapter aux changements systémiques induits par l'invasion de l'Ukraine. CORUSCANT entend ainsi fournir aux enseignants-chercheurs un espace d’échange pour faire évoluer les formations et répondre au mieux aux besoins de la société civile, des institutions ou des entreprises. Cela passera par l’organisation d’ateliers d’enquête numérique à destination des étudiantes et étudiants de master au sein de l’Union Européenne, ou la conduite d’un séminaire sur les nouvelles manières d’enseigner la Russie après le « choc exogène » du 24 février 2022.